Restauration d'un chef-d'œuvre du XVIe siècle
Publié le 18 novembre 2020
Grâce aux dons des mécènes de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris, la Ville de Paris a pu restaurer un tableau unique de l'église Saint-Merry (IVe), rattaché à l'Ecole de Fontainebleau.
Située près du Centre Georges Pompidou, l’église Saint-Merry est considérée comme l’une des quatre filles de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Bien que construite en pleine Renaissance, de style gothique flamboyant, l’église porte tous les caractères des édifices du Moyen-Âge : son portail est rempli de détails élégants et très symboliques.
© Florence Carillon
Au sein de la chapelle Sainte Anne, se cachait La Prédication de Saint Pierre. Classée Monument Historique, cette huile sur panneau de bois du XVIe siècle d’une très grande qualité picturale se rattache à l’Ecole de Fontainebleau et au courant maniériste.
Avant restauration
© Pauline Lascourrèges
Après restauration
(c) Ville de Paris, COARC / Jean-Marc Moser
Bien que les peintres de l’École de Fontainebleau aient particulièrement affectionné les thèmes mythologiques, ce tableau a pour sujet un épisode chrétien, celui de la prédication de Saint Pierre. À gauche de la composition, le saint se tient debout, devant l’entrée d’un temple, vêtu d’une tunique rouge. Il s’adresse à la foule autour de lui, en faisant un geste de prédication de son bras droit levé et porté en avant. Son auditoire est composé d’hommes et de femmes avec leurs enfants, portant des vêtements contemporains (Renaissance) ou antiquisants. La scène et ses accessoires sont ici très théâtraux.
Il s’agit d’une peinture érudite, empreinte de maniérisme. La scène se passe à l’intérieur d’un paysage urbain, dont l’arrière-plan est occupé par un édifice imaginaire à deux arcades. L’élégance des figures, le canon allongé des personnages, notamment la femme (premier plan à gauche), et la silhouette serpentine du guerrier (premier plan à droite), adaptation à la Renaissance du héros grec de l’Antiquité, sont caractéristiques de l’esthétique de l’Ecole de Fontainebleau. Les couleurs sont acidulées, très fraîches.
Visage petite fille au premier plan (avant/après nettoyage / Détail avec des restes d'anciens repeints en cours de nettoyage)
© Pauline Lascourrèges
La couche picturale présentait des soulèvements importants, des lacunes et des usures, ainsi que quelques repeints disgracieux. Le vernis était épais, irrégulier et avait jauni avec le temps. Il fallait également revoir le support bois. Grâce aux dons, ce chef d’œuvre a pu être restauré. Il sera prochainement de retour dans la chapelle Sainte Anne de l’église Saint-Merry.
Restauration de La Prédication de Saint-Pierre : 10 000 € de mécénat
Propriété : Ville de Paris
Responsable : Véronique Milande, cheffe du département de la COARC (Conservation des Œuvres d'Art Religieuses et Civiles) de la Ville de Paris
Restaurateurs : Groupement Mélanie Curdy avec Pauline Lascourrèges
Durée du chantier : 1 an
La parole à Pauline Lascourrèges, restauratrice :
" La restauration de cette œuvre a été pour moi une sorte de découverte progressive. A première vue, ce n’est pas une peinture qui m’a attirée mais je me suis laissée apprivoiser par cette œuvre singulière, aux couleurs vives et aux motifs élégants. Le nettoyage a permis de remettre en valeur une composition un peu surprenante : un mélange entre une atmosphère sombre dans certains plans, et une sorte de légèreté au premier plan, très féminine et délicate. Le traitement des visages est particulièrement subtil. Bien que très marquée par les usures, le fil du bois et les tâches de tanin, cette œuvre est puissante. Ce caractère de l’œuvre elle-même m'a poussée à une recherche de précision et de finesse dans la retouche afin de ne pas la trahir, et cela m’a vraiment enthousiasmée !"
© Pauline Lascourrèges
La parole à Mélanie Curdy, restauratrice :
« La restauration de La Prédication de Saint Pierre, une œuvre exceptionnelle par son style et son ancienneté, peinte par un artiste de l'école de Fontainebleau à la fin du XVIe - début XVIIe siècle, a été un moment à la fois émouvant et très gratifiant. Il est en effet passionnant pour une restauratrice de travailler sur ce type d'œuvre complexe et fragile. L'approche doit être prudente et progressive, elle s'appuie sur les apports complémentaires et enrichissants de divers spécialistes : conservateurs, restaurateurs, historiens et scientifiques. »
© Mélanie Curdy