Une toile de Caminade s’apprête à retrouver une place de choix dans l’église Saint-Eustache
Publié le 14 mars 2022
Récemment ont été décrochées quatre toiles qui seront restaurées puis réaccrochées selon un nouveau schéma permettant de mieux les mettre en valeur, grâce au généreux don d’un mécène privé de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris. Parmi elles, Le Martyre de sainte Agnès, d’Alexandre-François Caminade.
Le premier vocable de l’église Saint-Eustache était celui de sainte Agnès. C’est pourquoi le Martyre de sainte Agnès de Caminade a trouvé sa place dans l’église, par l’achat de l’abbé Bossu en 1808.
© Ville de Paris / Paul Percetti
Au lendemain de la Révolution, le curé désire en effet remeubler l’église, pillée à la fin du 18e siècle. Il achète donc au Salon de 1808 cette toile de Caminade, élève de David. L’œuvre est une copie d’une œuvre du même sujet du Dominiquin, éminent peintre espagnol du 17e siècle, qui a peint pour le couvent Sainte-Agnès de Bologne en 1620.
Cette toile, n’a fait l’objet d’aucune restauration fondamentale depuis le XIXe siècle. Une fois restaurée, elle sera d’autant plus mise en valeur qu’elle trouvera place sur un pilier du chœur, en vis-à-vis de l’œuvre de Simon Vouet, Le Martyre de Saint-Eustache, autre saint patron de l’église.
© Ville de Paris / Paul Percetti
Comme de nombreuses œuvres parisiennes, le tableau est déposé lors de la Seconde Guerre Mondiale à Chambord, puis exhumé après la Guerre à l’occasion de deux grandes expositions portant sur les œuvres évacuées des églises parisiennes au palais Galliera et à la chapelle de la Sorbonne. Le Martyre de sainte Agnès bénéficie alors d’une restauration qui s’avère aujourd’hui dramatique. L’œuvre a en effet été retirée de son châssis et contrecollée sur un contreplaqué, enduite de nombreux repeints, en plus d’une usure évidente due à son histoire mouvementée.
Grâce à généreux mécène privé et anonyme de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris qui finance l’intégralité de la restauration du tableau, le chantier a pu débuter à l’automne dernier.
Un des grands défis de la restauration du Martyre de sainte Agnès va donc être de détacher la toile de ce contreplaqué. La manière dont cet encollage a été mené oblige les restaurateurs à travailler ce contreplaqué pendant environ trois mois, en le sciant dans un premier temps, puis en le débitant de plus en plus légèrement. C’est un travail long et difficile, mais qui va permettre à la toile de retrouver toute sa souplesse et sa légèreté.
© Ville de Paris / Jean-Marc MOSER
Avant même de séparer la toile de son support, cette dernière doit retrouver une première souplesse afin de réagir au mieux au travail de débitage. En effet, l’œuvre est fortement encrassée, jaunie et assombrie. Elle présente en outre de nombreux grumeaux, identifiés comme des injections d’encollage notamment sous les coutures, pour améliorer l’adhésion de la toile au contreplaqué. Tout cela alourdit fortement la couche picturale qui en souffre beaucoup.
S’y ajoute le traitement qui a été infligé à la couche picturale. Lors des analyses préalables, les restaurateurs ont constaté une différence de qualité dans les matériaux : certaines couleurs se trouvent en excellent état, contrairement aux ombres dont les pigments à base de terre semblent avoir été dilués. Les manques alors provoqués ont été comblés par du vernis coloré : le jutage.
Les restaurateurs ont donc à faire à des repeints classiques et précis, mais sur les ombres, comme sur le foyer, les visages et les jambes, c’est un jutage qu’il faut alléger. Pour cela, ils peuvent se reposer sur un dessin précis de l’œuvre, qui leur permet de comprendre quelle intervention
mener et comment.
La décision a donc été prise de retirer le vernis, les jutages et les repeints, en procédant à une réintégration conservative qui consiste en la pose d’une aquarelle en glacis léger pour remonter les tons bruns, et ainsi permettre aux formes de récupérer leurs rondeurs. Cela va rendre l’œuvre
lisible et homogène.
© Ville de Paris / Jean-Marc MOSER
Le Martyre de sainte Agnès, présente un ajout dans sa partie haute, permettant de faire pendant dans la forme générale du tableau au Vouet qui lui sera opposé. Il a été décidé de le conserver, cet ajout étant volontairement neutre afin de ne pas modifier l’aspect du tableau.
Autrefois accroché à 13 mètres de haut, le tableau sera descendu à 4 mètres, ce qui permettra de mieux l’apprécier, alors qu’il aura retrouvé toute sa plasticité et ses couleurs italiennes.
Tout ce travail a été rendu possible grâce à un mécène anonyme et privé qui à travers son don à la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris a permis de révéler ce chef-d'œuvre. Nous le ,remercions vivement pour sa générosité et pour l'intérêt qu'il porte au patrimoine des églises
parisiennes.
Véronique Milande, conservateur du patrimoine à la Ville de Paris et Alix Laveau, restaurateur de
peintures, œuvrent actuellement pour la restauration du tableau.
© Ville de Paris / Paul Percetti